Charles Trépel, l’étoffe des meilleurs

Portrait

24/06/2022

Charles Trépel, un soldat hors-du-commun, l’étoffe des meilleurs. Une vie trop courte, qui ne lui aura pas permis d’accomplir tout ce à quoi son potentiel le destinait. Et pourtant, sa vie fut extrêmement riche, c’est donc dire ce qu’il recelait en lui. Né le 21 septembre à 1908 à Odessa, en Crimée, Russie. Il serait, de par sa famille, d’origine tchécoslovaque. Il passe son adolescence dans un contexte socio-politique forcément chaotique. Suivant la révolution russe de 1917, il part vers l’Allemagne, où les turpitudes de sa vie le font enchaîner des périodes de misère extrême et d’opulence. La montée du nazisme, à partir de 1933, sera un élément fondateur de sa ligne de vie, représentant pour lui un ennemi mortel. Cette même année, il quitte l’Allemagne et arrive en France, à Paris. Déjà, à cette époque, il a ce culte de l’effort physique, et pratique intensivement l’athlétisme. Mobilisé dans l’artillerie, il est dès juin 1940 lieutenant, mais est peu après démobilisé. Il passe alors en Espagne, en juillet 1941, où, fait prisonnier, il s’échappe de la prison de Barbastro, pour rejoindre Barcelone, puis Gibraltar en septembre 1941. Novembre 1941 le voit s’établir au camp FFL d’Old Dean, en Angleterre. Il commence rapidement à y suivre un entraînement spécial. Il se retrouve détaché en mai 1942 aux FNFL, et plus particulièrement au détachement d’un certain Philippe Kieffer, au sein de la Special Service Brigade britannique. Le 10 Commando Inter-Allié dont ils font partie avec leurs hommes va séjourner jusqu’en mai 1943 au Pays de Galles. Il ne peut participer au raid de Dieppe du 28 août 1942, n’étant qu’un simple lieutenant. Qu’à cela ne tienne, il reste en retrait pour étudier les procédés de combat et de débarquement anglais. L’année 1943 est une période de forte effervescence dans sa vie. Trépel obtient le commandement de la nouvelle troupe n°8, et entreprend de sélectionner ses hommes, via un processus draconien impliquant notamment la réussite en 60min d’une marche de 7 miles (11.3km). Les épreuves se déroulaient à Achnacarry, en Ecosse. Cela se justifiait tout autant par l’exigence de Trépel, que par la rumeur d’une libération imminente de l’Europe, dûe notamment aux récents succès en Afrique. Trépel voulait être prêt pour l’action. Cette sélection, et l’entraînement tout aussi hardu qui s’ensuivait, n’était pour autant pas dénués d’humanité: Trépel se faisait un point d’honneur à traiter ses hommes avec le plus haut respect et la considération qui allait avec, n’hésitant pas à effectuer un suivi des blessures de chacun. Le bien-être de ses hommes était pour lui fondamental, et ce, contrairement aux idées reçues à son sujet. Il était dur, mais il était juste, tant que ses hommes lui démontraient leur volonté. Suite à cette session commando, 65 hommes reçurent leur badge et leur fameux béret vert, formant la troupe n°8. De retour en Angleterre, Trépel obtint ses 3 galons de capitaine, arrivant à égalité avec les autres chefs de troupe. La structure interne de l’unité finalement complète peu après, Trépel était libre de mettre au point sa tactique, basée sur l’infiltration individuelle, la vraie tactique commando. En bon bourreau de travail, Trépel était infatigable, planchant inlassablement sur des livrets militaires, des questions de cartographies et de topographie. Il travaillait également, de manière plus informelle, à estimer les atouts et caractéristiques propres de chacun de ses hommes, du fait de leurs origines hétéroclites. Peu lui importaient d’où les hommes venaient, ce qui comptait était ce qui les différenciait des autres et ce qu’ils pouvaient apporter comme plus-value. Après l’annonce de la dislocation du n°10, le n°8 reçut ses ordres: ils devaient rejoindre des bases de départ sur la côte sud de l’Angleterre, afin de participer à la série d’opérations Hardtack, au nombre de 10, confiées aux deux troupes françaises. Trépel fut nommé chef d’un raid dirigé sur Berck Plage. Ce fut là une énième occasion, pour ses hommes, d’observer l’extrême minutie du travail de préparation de Trépel, à son attention au détail confinant à l’absurde, et à son anticipation surhumaine. Pour l’opération sur Berck Plage, il a avait spécialement sélectionné ses hommes, dont plusieurs natifs de la ville. Ces raids étaient prévus pour la nuit du 24 au 25 décembre, néanmoins des imprévus divers ne permirent que le déroulement de 5 d’entre eux. Le raid de Trépel était l’une des opérations annulées, ce qui fut pour lui un énorme choc. Suite à cette déconvenue, il se rendit à Londres, pour ne revenir qu’avec l’attribution d’une nouvelle mission et un moral retrouvé. Le n°8 se scinda en deux groupes, celui de Trépel, et celui du lieutenant Chausse, son bras droit. Le groupe de Trépel partir à la base de Great Yarmouth, tandis que celui de Chausse lança son opération sur les côtes de Belgique la nuit du 20 au 21 février 1944. Lorsqu’il revint à sa base, une inquiétante rumeur courait, celle de la disparition de Trépel et de l’échec de son opération. Un mois plus tard, la n°8 se retrouva enfin au complet, et Bougrain, le radio opérateur du groupe de Trépel, put leur rapporter les évènements. Leur raid était dirigé sur un point de côte de la Hollande, au nord de Schevenonger. La 1ère tentative d’assaut se solda par un échec cuisant. Quelques jours après, lors de la nouvelle tentative, et malgré une approche ayant manqué de discrétion, Trépel et son équipe de 6 hommes passèrent sur leur Dinghy et s’enfoncèrent à la pagaie dans la nuit. Le Doris ayant acheminé les hommes patienta jusqu’à 4h du matin, et finirent par accueillir le canot, en pensant à un succès. Mais il ne restait que 2 hommes, et Trépel n’était plus parmi eux. Malgré cette perte incommensurable, la troupe 8 prit part au Débarquement, avec l’unité de Lord Lovat. Après la libération de la Hollande, l’enquête lancée pour déterminer les causes de la disparition des hommes, dont Trépel, ne mena à rien, jusqu’au mois de juin 1945, où 6 corps furent retrouvés, tout près du lieu de leur débarquement. Le capitaine Trépel repose désormais avec ses camarades au cimetière britannique de Wistdvin, près de La Haye. La cause de leur trépas n’a à ce jour pas été déterminée avec certitude. Pour autant, les raisons pour lesquelles le capitaine-commando Charles Trépel était entré dans l’Histoire étaient elles bien évidentes.

© André Trépel
Charles Trépel en démonstration sur l’utilisation de la dague Fairbairn-Sykes – © André Trépel

Article de journal à propos des honneurs rendus à Trépel à l’Arc de Triomphe en 1976 – Source inconnue
Retour à la liste

Restez informés

*
*
*
*