Thanksgiving 1944

Évènements

29/11/2024

Photo en bannière: Caporal Leo Kaller dégustant la dinde de Thanksgiving en novembre 1944 (Wikimedia Commons/Us Army)

Le saviez-vous? Chacun ou presque des 2 millions de soldats américains en Europe ont pu manger un véritable repas de Thanksgiving en 1944. Cela grâce au tour de force logistique opéré par le navire SS Great Republic et les Quartermaster et Transportation Corps.

Après les difficultés éprouvées au cours de la Bataille de Normandie, et le progrès plus lent qu’escompté vers l’Allemagne, il était clair que la guerre se prolongerait jusqu’en 1945. En septembre 1944, l’armée américaine promit un vrai repas de Thanksgiving aux troupes en Europe, qui à ce moment se comptaient à 1,3 millions, auquel se rajouteraient près de 500 000 soldats d’ici au 28 novembre! Une promesse difficile à tenir, qui présentait le risque de créer un gros coup au moral si elle ne se matérialisait pas.

Le challenge était de taille. En effet, la logistique américaine avait de sérieuses lacunes: à la fois les bateaux, les ports, les transports au sol et les lieux de stockage dont elle disposait étaient peu adéquats pour une telle opération. Déjà en temps normal, approvisionner le front était difficile et les soldats se retrouvaient souvent à cours de vivre. Pas moins de 6000 camions sillonnaient les zones où stationnaient les troupes américaines, depuis les ports français, conduits par des milliers de soldats, dont beaucoup étaient afro-américains. Par ailleurs, la chaîne du froid entre les fermes américaines et les fourneaux des soldats près de la frontière américaine manquait de fiabilité. Pour les Alliés de manière générale, se procurer des navires réfrigérants avait été un défi au cours de la guerre. En 1943, la Maritime Commission avait commandé cinq bâtiments, le Blue Jacket, le Great Republic, le Golden Eagle, le Trade Wind et le Flying Scud, dont l’approvisionnement et l’affrettage, une fois opérationnels, étaient gérés par l’United Fruit Company. Un renfort certes conséquent mais insuffisant, qui contraignit l’armée américaine à utiliser des navires plus petits, plus vieux et plus lents pour acheminer les vivres congelés.

Drapeau maritime de l’United Fruit Company (Wikicommons)

Une fois arrivés aux ports français, l’enjeu était de disposer de suffisamment de chambres froides, de camions réfrigérés et d’autorails pour assurer le transit de la nourriture. Les cargaisons se retrouvaient souvent retenues dans des hangars à défaut de transport, bloquant ainsi les navires suivants et décalant leurs itinéraires, provoquant le pourrissement des vivres à l’intérieur. L’approvisionnement et les entrepôts étaient gérés par l’Army Quartermaster Corps, tandis que  les navires, camions et trains étaient l’apanage de l’Army Transportation Corps. Cette division organisationnelle des opérations provoqua son lot de problèmes de communication qui aggravaient leur déroulement. Un jour au cours de l’été 1944, les opérations au port du Havre furent stoppées net. Le Quartermaster Corps ne s’était pas coordonné avec le Transportation Corps afin de disposer de trains pour transporter les vivres jusqu’aux soldats.

A gauche, emblème du Quartermaster Corps, à droite, emblème du Transportation Corps

Avec l’épée de Damoclès que constituait cette promesse que chaque soldat américain en Europe allait pouvoir bénéficier d’un repas de Thanksgiving correct, le commandement américain dut prendre des mesures drastiques. A compter de septembre, les quantités de viande fraîche, de fruits et de légumes se virent considérablement réduites au sein des rations, supplantées par de la charcuterie et de la viande fumée non réfrigérées. Cela afin de ne pas encombrer les chambres froides, au Royaume-Uni notamment. Les britanniques risquaient alors de rendre l’usage de ces entrepôts aux civils, sans possibilité de retour en arrière pour l’armée. Enfin, il fallait composer avec la taille et la forme des dindes, qui étaient bien moins ergonomiques que le bœuf ou le porc, et remplies d’os ; elle prenait quatre fois et demi plus de place.

Le 15 octobre, le Great Republic partit de New York avec pas moins de 1604 tonnes de dindes congelées, pour arriver au Havre le 16 novembre, soit de quoi composer un million de repas. Une armada de camions de transport l’attendait, qui répartit les dindes, ainsi que les pommes, oranges, salades et oignons partout. Elles furent en grande majorité cuites sur le terrain grâce au fourneau de campagne M-1937, et chaque homme eut une ration de viande trois fois supérieure à une ration « A » habituelle, ainsi que de la purée, des haricots verts, du mais, de la sauce cranberry, du céléri, de la tarte à la citrouille. En dépit du fait qu’aux Etats-Unis, la dinde n’était pas rationnée durant la guerre, cet envoi massif jusqu’en Europe créa une pénurie dans le pays. Des opérations de vente de dindes au marché noir pullulèrent, par exemple à New-York.

Range Field M-1937

Certains soldats américains eurent droit à leur repas de Thanksgiving un ou deux jours en avance ou en retard, mais à peu près tous purent en bénéficier. Un véritable tour de force, qui permit de mettre du baume au cœur des soldats, loin de leur pays et de leurs familles. Cela allait être nécessaire car la Bataille des Ardennes se profilait à l’horizon, et elle allait priver bon nombre d’entre eux d’un repas de Noël correct et chaud.

Le sergent Louis S. Wallace déguste une dinde rôtie dans un fourneau M-1937, quelque part en Europe, 22 novembre 1944 (US Army Signal Corps)

Le SS Great Republic, quant à lui, continua ses opérations d’approvisionnement jusqu’à la fin du conflit. Il fut ensuite recommissionné en tant qu’USS Pictor en 1950, et achemina des vivres aux troupes américaines à travers le monde jusqu’en 1969.

USS Pictor (US Navy)
Retour à la liste

La Colonne Dronne et la Libération de Paris

Évènements

24/08/2024

Le 24 août, une plaque a été dévoilée à Paris en mémoire de la Colonne Dronne, le premier détachement de la 2e DB à entrer dans Paris et à concrétiser sa libération, il y a 80 ans jour pour jour

A sa tête, le capitaine Raymond Dronne, vétéran des campagnes d’Afrique du Nord, sommé par Leclerc de rentrer dans Paris dès le 24 août. En son sein, une section de génie, deux sections d’infanterie portées par 10 half-tracks, et un peloton de 3 chars moyens. Parmi les 130 hommes de la Colonne, ceux de la 9è compagnie du 3/RMT, surnommée « La Nueve » car composée très majoritairement de républicains espagnols ayant vaillamment combattu Franco. Les autres soldats, essentiellement des français, mais aussi des antifascistes issus de toute l’Europe, des juifs pieds-noirs, et même un allemand.

La Colonne Dronne se fraiera un chemin dans Paris, atteindra la porte d’Italie à 20h45, puis l’Hôtel de Ville à 21h22, où elle est accueillie par les états-majors du CNR et du CPL. Quelques dizaines de minutes plus tard, arrêt à la préfecture de police, où ce sont les hauts responsables du pouvoir clandestin parisien nommés par de Gaulle, Parodi, Luizet et Chaban-Delmas, qui la reçoivent. A 22h15, le résistant Pierre Schaeffer appelle tous les curés de la capitale à faire sonner les cloches des églises. La journée du lendemain allait parachever la libération de la capitale de la France.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est dronneparis-1024x1024.jpg.
La Nueve le 25 août 1944 sur les Champs-Elysées
Capitaine Raymond Dronne
Retour à la liste

La déclaration de guerre des USA du 6 avril 1917

Évènements

13/04/2023

Le président Woodrow Wilson délivrant son discours au Congrès, 2 avril 1917

Pourquoi les USA entrèrent-ils si tard dans la Première Guerre mondiale? Deux ans et demi après le début du conflit, il y a tout juste 106 ans, le 6 avril 1917, le congrès américain déclarait la guerre à l’Empire Allemand. Pour expliquer cette implication tardive, il faut en premier lieu remonter au XIXème siècle. Le 5ème président des Etats-Unis, James Monroe, prononce le 2 décembre 1823 un discours au Congrès qui établit une doctrine claire en matière de politique extérieure: les Amériques ne sont plus ouvertes à la colonisation ; toute intervention européenne dans la politique du continent sera considérée comme une menace à la paix ; les Etats-Unis ne s’engageront pas dans les affaires de l’Europe. C’était là l’affirmation d’une neutralité et d’un isolationnisme qui allaient caractériser la politique du pays jusqu’au début du XXème siècle. Cette doctrine allait leur permettre de récupérer certains Etats appartenant aux puissances Européennes, tels la Floride, le Texas, la Californie ou encore l’Arizona. En outre, plus tard, à la fin du XIXème siècle, le pays allait également lancer des opérations militaires et financières dans une multitude de pays d’Amérique Centrale et du Sud, une politique expansionniste et interventionniste que le président Theodore Roosevelt allait justifier grâce au « corollaire de la doctrine Monroe » qu’il exposera dans son discours du 6 décembre 1904 au Congrès. Ce corollaire polémique allait provoquer l’indignation de certains dirigeants européens, dont un certain Guillaume II, empereur d’Allemagne…

James Monroe, huile sur bois de Gilbert Stuart, National Gallery of Art, Washington DC

William Howard Thaft avait succédé à Franklin Roosevelt et avait exercé de 1909 à 1913. Lors des élections de 1912 cependant, Thaft, et Theodore Roosevelt, qui briguaient tous deux un second mandat, se virent défaits par Woodrow Wilson, qui devint le 28ème président du pays. Lors du début de la Grande Guerre, en 1914, fidèle à la doctrine Monroe, le pays déclara sa neutralité. Cependant, il ne resta pas sans rien faire: Wilson tenta d’organiser des négociations de pays entre les deux camps européens, initiative qui n’aboutit pas. Par ailleurs, de par leur neutralité, les Etats-Unis justifiaient ainsi la poursuite des relations commerciales aussi bien avec la Triple Entente, qu’avec la Quadruplice. C’était sans compter sur la réaction du Royaume-Uni, qui imposa rapidement un blocus naval à l’Allemagne pour stopper son ravitaillement. L’enchaînement se poursuivit avec l’engagement de la campagne sous-marine allemande, qui prit pour cible les routes commerciales alliées dans les mers autour des îles britanniques, et en Méditerranée. Ce qui devait arriver arriva: les sous-marins allemands finirent par couler plusieurs navires américains au début de l’année 1915, tandis qu’en mai de la même année, le torpillage du RMS Lusitania, un paquebot transatlantique britannique qui transportait entre autres, 125 américains, causa un fort émoi. Wilson s’éleva contre ce drame et exigea que cela ne se reproduise pas. Cet évènement allait lancer les préparations du pays à une potentielle entrée en guerre future. En mars 1916, le torpillage du SS Sussex, sous drapeau français, par les forces allemandes, prompta Wilson à obtenir d’eux un serment de guerre sous-marine sous restriction. Mais il n’allait pas être respecté longtemps…

RMS Lusitania, Library of Congress
Sous-marin U-boot allemande U14, Library of Congress

La population multiethnique des Etats-Unis comptait de nombreux citoyens originaires des pays belligérants, et avait exprimé au début de la guerre son souhait de rester neutre vis-à-vis des évènements qui se déroulaient outre-Atlantique. Mais peu à peu, ce souhait de neutralité commençait à s’effriter, justement à cause du fait que les allemands reprochaient au pays de ne pas vraiment l’être! En effet, le réseau d’espionnage dirigé par Franz von Rintelen lança plusieurs opérations de sabotage sur le territoire américain, afin d’enrayer l’acheminement de ressources aux pays de l’Entente. La plus notable se produisit le 30 juillet 1916, à Jersey City, New Jersey. Là-bas s’y trouvait une petite île, la Black Tom, qui servait de dépôt au port de New York, dans lequel étaient stockés les wagons de fournitures (munitions, explosifs) à destination des pays européens en guerre. Les agents de von Rintelen y placèrent des bombes incendiaires à retardement,  dites « crayon », dont la détonation a provoqué une explosion d’environ 5,5 sur l’échelle de Richter! Dans un rayon de 40km, les vitres furent brisées ; plusieurs personnes furent tuées et de nombreuses blessées ; le souffle de l’explosion atteignit même la Statue de la Liberté, dont une centaine de rivets sautèrent. La visite du bras et de la torche du monument furent immédiatement interdites, et l’accès à la Liberty Island clos pour 10 jours. Cet attentat, tout comme l’explosion de l’usine de munitions, destinées à la Russie, de Lyndhurst le 11 janvier 1917, contribuèrent au glissement de l’opinion du peuple américain quant à sa neutralité dans le conflit.

Une partie du site de Black Tom suite à l’explosion, US Signal Corps

La prise en compte de la volonté de neutralité du peuple américain était un enjeu électoral crucial pour les élections présidentielles de 1916, que Woodrow Wilson remporta, s’y étant jusqu’alors conformé. En dépit des conséquences des torpillages de la guerre sous-marine, le pays restait neutre. Mais Wilson, maintenant réélu, avait plus de liberté pour des initiatives guerrières. Et en effet, l’année 1917 allait marquer un tournant dans l’histoire du pays à plus d’un titre. En janvier, les services d’espionnage britanniques de la Room 40 interceptent une communication codée entre le ministre des affaires étrangères allemand, Arthur Zimmerman, et l’ambassadeur allemand au Mexique, Heinrich von Eckhardt, connue sous le nom du Télégramme Zimmerman. Dans cette missive secrète,  le premier ordonnait au second de proposer une alliance avec le Mexique, dans l’éventualité où les Etats-Unis rejoignent le conflit, alliance qui se solderait par la récupération par le Mexique des Etats du Texas, de l’Arizona et du Nouveau-Mexique. Les allemands se proposaient de financer l’effort de guerre mexicain pour ce faire. Ils suggéraient de plus au président mexicain de prendre la liberté d’inviter le Japon au même type d’accord. Bien évidemment, les britanniques transmirent la communication aux Etats-Unis, tout en appuyant bien sur le danger que cela représentait. C’était un pas – de géant – de plus vers la déclaration de guerre…

Zimmerman, dans son télégramme, avait spécifié dès le début l’intention de l’Allemagne de reprendre la guerre sous-marine sans restriction le 1er février 1917, ce qui aurait très probablement pour effet de forcer les Etats-Unis à leur déclarer la guerre. La proposition d’alliance au Mexique était donc autant justifiée que nécessaire pour eux. Mais le pays est face à une guerre civile, ne pouvait pas espérer tenir tête à son voisin, et ne pouvait pas faire entièrement confiance à la promesse de financement. Woodrow Wilson reçut le télégramme de la part des britanniques le 23 février 1917, 23 jours après la reprise de la guerre sous-marine allemande, qui allait en mars couler 5 navires américains dans l’Atlantique Nord, et pouvait devenir problématique pour l’approvisionnement du Royaume-Uni. Face à cette menace vis-à-vis de ses liens commerciaux avec la Triple Entente, et l’outrage du télégramme, Wilson devait agir. Il informe rapidement la presse du contenu du télégramme, qui se charge de diffuser à l’opinion publique. S’ensuivit forcément un émoi général, qui marqua un changement d’opinion définitif de la part du peuple américain quant à l’implication du pays dans la guerre. Il lui était en effet impossible de rester impassible face aux initiatives allemandes, mais au nombre de victimes ahurissants en Europe, aux exactions commises en Belgique… Si bien que lorsque le président Wilson se présenta pour une séance spéciale au Congrès, le 2 avril 1917, et qu’il avança la déclaration de guerre, qui serait « une guerre pour mettre fins à la guerre », une responsabilité morale du pays, le soutien fut total. La déclaration de guerre fut officialisée le 6 avril.

On pourrait encore dire mille et unes choses sur cette entrée en guerre, et la suite de ces évènements, mais Dominique François en parlera mieux que nous. C’est le 28 avril, à 20h, au musée, que l’historien et auteur abordera le rôle de ce Corps Expéditionnaire dans le conflit, pour une conférence qui s’annonce passionnante!

Réservations:

Retour à la liste

Restez informés

*
*
*
*